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Dernière modification : 15 mars 2019

Bachelardismes et anti-bachelardismes en France.
Controverses épistémologiques des années 1960

Lucie Fabry, Sophie Roux et Frédéric Worms (coord.)

 

 Mardi 16 avril

 

 

09.00 – 12.00 : Matérialisme historique et héritages marxistes

Présidence  : Sophie Roux

 

Simone Mazauric, Université de Lorraine : « Le bachelardisme problématique de Louis Althusser »

Audrey Benoit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : « Critique de l’idéalisme empiriste : l’histoire bachelardienne des sciences dans l’épistémologie d’Althusser »

On se propose d’interroger le statut de l’histoire bachelardienne des sciences dans la pensée de Louis Althusser. Il s’agit de mesurer le poids de l’héritage bachelardien dans la conception matérialiste originale de la connaissance qu’Althusser développe à partir de 1965, qui envisage la construction des problèmes scientifiques sous l’angle de leur production au sein des discours, et non simplement sous l’angle de leur détermination par un contexte institutionnel et historique extra-discursif. On s’intéressera notamment à la postérité qu’Althusser donne au concept bachelardien d’obstacle épistémologique, dans la « lecture symptomale » qu’il fait de Marx. Le discours de Marx apparaît, au travers de la lecture althussérienne, comme milieu de production de ses objets plutôt que comme medium d’une signification idéelle, ou comme reflet d’une situation historique. L’épistémologie de Bachelard, lue par Althusser au prisme de Canguilhem, forme le terreau d’une approche inédite de l’abstraction, fondée sur une critique de l’ « idéalisme empiriste ». Althusser s’en sert pour offrir, dans le contexte de la philosophie française de l’époque, une alternative aux interprétations humanistes et historicistes du matérialisme de Marx, mais aussi pour ouvrir l’horizon d’une philosophie politique appuyée sur une analyse critique de la production par la connaissance conceptuelle de son contenu objectif, qui relève de ce que l’on peut appeler une épistémologie politique.

 

Pause café

 

Jussi Palmusaari, King’s College London : « Can Rupture Be Thought ? Historical and Epistemological Breaks in Althusser, Lardreau, and Rancière »

This paper will argue that, despite Rancière’s repeated critique of Althusser’s Bachelardian notion of ’epistemological break’, what comes to characterise Rancière’s own methodology should be seen, not simply as a rejection of this notion, but rather as its revision. I will demonstrate this by following Rancière’s trajectory from its early Maoist context –which I will read in reference to Guy Lardreau’s work –to the change in his position in the late 70s, and further to his recent explications of the ’method of the scène’. 

Althusser argued that in order for a revolution to be a real rupture and not merely an expression of a pregiven historical reason (such as economic laws or subjective will), the construction of the break must be detached from the immediacy of a given historical present. It must be based on an abstract construction in theory which is then articulated back into historical reality. In the face of Althusser’s failure to think how such theoretical abstraction could be linked back to a concrete historical reality in order for a revolutionary break to be produced in it, his Maoist ex-students attacked this ’detour of theory’ and blamed it for sustaining old intellectual hierarchies. Formulated first in Guy Lardreau’s Le Singe d’or (1973) and subsequently in Rancière’s Althusser’s Lesson (1974), the Maoist critique switched the perspective to concrete struggles of the masses as the only legitimate source of historical ’knowledge’. However, as Lardreau’s subsequent work shows, the very idea of historical break soon appeared impossible on such a basis of immediacy. In this way he came to demonstrate Althusser’s original point. Read in light of Lardreau’s failure to think a radical break, we can notice in Rancière’s early work a similar difficulty. Consequently, as I suggest, Rancière changes his position and develops his own idea of discontinuity from concrete and immediate historical actuality. As I will argue, in so doing Rancière returns to a position not unlike that of Althusser. Thus, Rancière’s method, which is increasingly expressed by the notion of scène, should be understood in continuity with the notion of epistemological break as a necessary ’detour’ to think a break in historical reality.

 

12.00 – 13.30 : Repas

 

13.30 – 18.00 : Épistémologie historique et histoire des sciences

Présidence  : Frédéric Worms

 

Sophie Roux, École normale supérieure : « La question de l’historicité des sciences chez les bachelardiens »

Dans un ouvrage qui a maintenant vingt ans, Les Inquiétudes de la raison, épistémologie et histoire en France dans l’entre-deux-guerres, Enrico Castelli Gatinara a évoqué la « double articulation » qui se serait établie entre histoire et sciences, l’histoire cherchant à se faire scientifique et les sciences découvrant leur historicité. Mais en quel sens entendre cette historicité des sciences ? Mon exposé montrera que les héritiers de Bachelard ont défendu et illustré différentes manières de comprendre cette historicité, leur seul point commun étant peut-être l’idée que l’histoire des sciences n’est pas une histoire comme les autres.

Giuseppe Bianco, Universidade de São Paulo/EHESS : « Épistémologie historique et sociologie de la connaissance. Bachelard et l’émergence des SHS »

 

Pause café

 

Sam Talcott, University of the Sciences in Philadelphia : « The Bachelardian Anti-Bachelardism of Georges Canguilhem’s Histories of Scientific Concepts »

This paper argues that Canguilhem’s unique work in the history of the life sciences should be understood as a critical appropriation of Bachelard’s polemical reason. In particular, I examine Canguilhem’s “Dialectique et philosophie du non chez Gaston Bachelard”, which considers his attempt to develop a history of science that comprehends reason as historically evolving. Canguilhem finds that Bachelard models reason on a scientific dialectic, exemplified by non-euclidean geometry and non-cartesian physics, which transformed these disciplines through its « liberty of variation rather than will of negation » (Canguilhem 1963, 206). Since all rationality is ultimately scientific, philosophical thought and methods must, for Bachelard, be transformed following contemporary science. For Canguilhem, however, this appeal to the sciences in explaining reason’s evolution is problematic because it makes the emergence of science and rationality inexplicable.

In my reading, Canguilhem finds a symptom of this problem in Bachelard’s understanding of his epistemology using psychological terms. By treating science as the result of a psychoanalysis that removes obstacles to understanding, Bachelard risks depriving scientific truth of its objective value. For this suggests that the natural sciences emerge out of subjective, contingent features of human psychology. Canguilhem worries, moreover, that Bachelard’s account of normalization in scientific subjectivities perpetuates such psychologism. I examine Canguilhem’s work on the reflex concept and his coauthored inquiry into concepts of development and evolution to consider his account of the life science’s emergence from non-scientific practices. These, I argue, demonstrate his attention to the vital and cultural hierarchies of value within which scientific investigation becomes desirable and through which scientific concepts endure across conflicting theoretical interpretations. I conclude that Canguilhem generalized Bachelard’s polemical reason by applying it to new objects and thereby altering it. Furthermore, contemporaries in the 1960s could find, perhaps, a model therein for deploying Bachelard’s reason against itself.

Stéphane Zygart, Université de Lille : « Analyser les pratiques sans coupure épistémologique : deux usages de la vérité chez Canguilhem et Foucault »

À la différence de Bachelard, Canguilhem et Foucault ont étudié des pratiques où la constitution de la science n’était pas le seul enjeu. L’intérêt de leur position est qu’ils se sont alors tenus à distance de deux pôles opposés sur les rapports entre savoirs et normes d’action. Ils n’ont pas considéré qu’une science correctrice pouvait diriger une modification des pratiques, mais ils n’ont pas non plus affirmé que nos pratiques pouvaient reposer sur des savoirs sans reprise critique et formalisation. Tous deux travaillent sur un écart toujours possible entre savoirs et pratiques qui n’est cependant jamais une disjonction. Leur référence commune à la technique, leur souci d’analyser les arrimages plus ou moins lâches de nos conduites à des objets et à des domaines, leur recours à l’éthique, certains de leurs concepts clés (la médecine comme somme de sciences appliquées, la subjectivation, la conduite des conduites) : tout cela en témoigne. Cependant, le problème à partir de Canguilhem est de déterminer les effets des savoirs qui ne sont que la base de l’action, sans pour autant recourir à un principe éthique d’attention auquel celui-ci ne cesse de se référer explicitement en matière médicale. À partir de Foucault, il serait plutôt de savoir comment agir dans la dissymétrie des savoirs et des pouvoirs qui passe entre les sujets et les systèmes sociaux. On aurait tort de voir de Canguilhem à Foucault une simple complexification des mêmes principes d’analyse. Certes, tous deux cherchent à penser le savoir comme condition de l’action, sans causalité ni indétermination, où l’existence de la liberté ne peut aller sans effort de libération. Mais chacun conçoit différemment le savoir comme condition de l’action : comme puissance de contrôle minimale des pratiques face à l’arbitraire possible de nos conduites chez Canguilhem, comme puissance d’avertissement face aux discours qui fondent nos pratiques en cours chez Foucault. Le travail de la vérité ne serait ainsi pas tout à fait le même. Montrer ce qui se sait (ou pas) dans ce qui se fait par un tri scientifique, montrer ce qui se fait à partir de ce qui se sait grâce aux archives : il faut apprécier les usages possibles de ces deux exercices critiques, qui consistent à décrire nos positivités pour en donner les limites.

Massimiliano Simons, KU Leuven & Matteo Vagelli, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : « The legacy of Gaston Bachelard’s phenomenotechnique : un héritage invisible ? »

One of the prominent concepts of Gaston Bachelard’s oeuvre is that of phenomenotechnique, referring to how instruments create phenomena, rather than merely observe them, in science. It’s legacy, however is far more unclear. If discussed at all, the story around phenomenotechnique tells how in France this insight by Bachelard was soon forgotten or ignored, for instance in the oeuvre of Pierre Bourdieu or Louis Althusser, only to be taken up more recently in the oeuvre of recent scholars working on science, technology and experiment. The discussion then often centres around whether contemporary uses of phenomenotechnique, and their realist or constructivist ambitions, are legitimate readings of Bachelard. In this paper, we want to argue that this story is problematic on at least two accounts. First of all phenomenotechnique has never been forgotten in France, but was immediately picked up by a range of authors such as Georges Canguilhem, François Dagognet and Michel Serres. Moreover, recent authors who mobilized the notion of phenomenotechnique, such as Bruno Latour, Ian Hacking or Hans-Jörg Rheinberger, tend to mean something else with this notion. In fact, it will be argued that their point of view often risks to come closer to what an earlier generation of authors, such as Pierre Duhem or Ernst Mach, already claimed about the role of instruments. In contrast, this paper will argue that (a) there are clear differences between Bachelard’s phenomenotechnique and contemporary uses of his work ; and (b) that by returning to Bachelard’s perspective one could correct certain biases present in the more recent perspectives.

 

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