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Dernière modification : 8 janvier 2019

XIE Jing

Université Fudan, Shanghai (Chine)
Invitée de TransferS – début 2019

En début d’année 2019, le labex TransferS accueille Xie Jing, maître de conférence à la faculté de philosophie de l’Université Fudan, Shanghai.

 

La sociologie de la « personne » et le cas de la Chine antique

  1. La sociologie de la « personne »
    Comment les hommes se construisent en même temps comme des individus et des membres d’une société ? Cette question était sinon fondatrice, du moins centrale dans la sociologie française dès sa naissance, la Division du travail social (Durkheim) ayant pour point de départ le paradoxe caractéristique de l’individu moderne. Par la suite, la question prend la forme d’une sociologie de la catégorie de « personne » chez Mauss, avant de gagner de l’ampleur dans l’anthropologie structurale de Dumont. Qu’il soit considéré comme un impératif moral (Durkheim), une catégorie (Mauss) ou une valeur cardinale (Dumont), l’individu social semble offrir la prise la plus saillante à une sociologie qui se donne la tâche de saisir la socialité moderne dans ce qu’elle a de plus radical.
    Il est remarquable que cette prise conceptuelle était dès le départ double : entre l’« individu » et la « personne », les sociologues tantôt hésitent (Durkheim), tantôt font un choix pour des raisons toutes différentes (Lévi-Strauss et Dumont pour l’« individu », Mauss et Ortigues pour la « personne »), comme s’ils composaient deux faces irréductibles l’une à l’autre d’un sujet social.
    La première intervention a pour objectif de clarifier les teneurs propres des deux concepts et de montrer que choisir l’un ou l’autre n’est pas sans rapport à une prise de position au sein de la « comparaison radicale » (nous expliquerons la raison pour laquelle nous préférons le concept de « personne »). À la fin de l’intervention, la question sera posée de savoir dans quelle mesure on peut transposer ce cadre typiquement français vers un cas important mais insuffisamment traité sous cet angle, qui est la Chine antique. Il ne s’agira pourtant ni de mettre à l’épreuve le cadre théorique ni d’installer un cas concret dans un moule préfabriqué de comparaison sociologique, mais de nous aider à mieux réfléchir sur la modernisation problématique de la société chinoise.

  2. La Chine antique par-delà le dualisme (I) : la divination et le destin
    Si l’on essaie d’appliquer ce cadre à la Chine antique, on serait d’abord tenté de la présenter comme une combinaison typique de l’homo hierarchicus dans le monde et de l’individu hors du monde : tandis que la vie sociale, essentiellement confucéenne et entièrement hiérarchisée selon les statuts, ne laisse pas de place aux « individus », les solitaires taoïstes pratiqueraient l’individualisme hors du monde, voire contre le monde. Or, le premier type de personnalisation en Chine que nous analyserons montrera les limites du cadre des dualismes (société-individu, dans le monde – hors du monde). Il s’agira des techniques de divination, dont nous nous contenterons d’évoquer les grands principes exposés dès le Yi Jing (易经), afin de nous concentrer sur quelques notions clés telles que l’essence (xing, 性), la fortune (yun, 运) et le destin (ming,命). Nous relèverons notamment deux traits : 1) ces techniques singularisent les êtres humains d’une manière remarquablement efficace ; 2) rendues directement possibles par une cosmologie qui ne se soucie pas de la vie sociale, elles joue pourtant un rôle primordial, car normatif, dans celle-ci.

  3. La Chine antique par-delà le dualisme (II) : les pratiques ascétiques
    Dans la dernière conférence, nous aborderons un autre type de personnalisation en Chine : les pratiques d’ascèse. Nous en analyserons deux que l’on tient d’habitude pour opposées, à savoir la culture de soi (xiushen, 修身) pour devenir des hommes vertueux (junzi, 君子) – idéal confucéen –, et la conservation de soi (yangsheng, 养生) pour devenir des hommes véritables (zhenren, 真人) et saints (shengren, 圣人) – idéal taoïste. Tout en soulignant les nombreux traits qui les opposent, nous essayerons de montrer que leur points communs rendent réductrice la thèse selon laquelle l’homme chinois serait soit une personne hors du monde soit un statut hiérarchisé dans le monde. Il se peut que dans le cas de la Chine, les polarités que les sociologues tiennent pour tranchées (égalité-hiérarchie, individu-statut, société-nature) donnent lieu à un mouvement de va-et-vient et participent ensemble à la formation d’une personne.

 


Maître de conférences à la faculté de philosophie de l’Université Fudan à Shanghai, Xie Jing a fait une thèse à l’EHESS de Paris sous la direction de Vincent Descombes sur la philosophie sociale holiste en France. Ses domaines de spécialité comprennent la philosophie sociale, la philosophie des sciences sociales, l’histoire conceptuelle de la sociologie française et de l’anthropologie structurale, les théories de la modernité. Son intérêt le plus récent porte sur les concepts de « personne » dans les classiques chinois et leur enjeu pour la modernisation de la société chinoise.

Elle a notamment publié : « The structuralist twisting of Durkheimian sociology : Symbolism, moral reality and the social subject », Journal of classical sociology, février 2016 ; « Le débat structuraliste dans la philosophie sociale française – du structuralisme du signe au structuralisme du discours », Fudan Journal (Social Sciences Edition), 2015, vol. 57 (5).

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