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Dernière modification : 28 novembre 2018

Revue des femmes philosophes (numéro 4-5)

Barbara Cassin (coord.)


Jeudi 15 novembre 2018 – UNESCO

Présentation du n°4-5 de la Revue des femmes philosophes de l’UNESCO

 


 

Revue des femmes philosophes (numéro 4-5)
Crédits : UNESCO

Intellectuels, philosophes, femmes en Inde : des espèces en danger

Si l’on interroge l’homme de la rue, Madame-Monsieur Toutlemonde, à propos des « femmes en Inde », quelques idées reçues émergent vite. Ces idées reçues, statistiques à l’appui, sont hélas vraies. Elles ne naissent pas : les bébés de sexe féminin sont victimes de fœticide et d’infanticide (44.3 % contre 32% dans le monde). Elles obéissent pour se marier à leur famille et à leur caste (85/% des mariages sont arrangés, 18% des épousées ont moins de 15 ans, 44% moins de 18 ans), leur dot est lourde pour leur famille (7634 procès pour défaut de paiement en 2015), elles sont vendues loin de chez elles, isolées dans une culture et une langue qu’elles ne connaissent pas. Ladki apne maa-baap par bojh hoti hai, « la fille est un fardeau », dit-on en hindi. Les viols sont nombreux (34771 déclarés en 2015) et impunis. Elles font l’objet de crimes d’honneur. Ce sont des esclaves domestiques ; elles font un travail d’esclave dans les mines. On les prostitue. Elles ont un accès plus restreint à l’éducation (67% d’adultes illettrés sont des femmes), un taux de décrochage plus élevé à l’université, en particulier dans les sciences, elles se cognent vite au plafond de verre.

Même si la loi et les mœurs ont évolué — elles ne se font plus brûler sur les bûchers pour accompagner leur époux dans la mort depuis la fin du dix-neuvième siècle —, tout cela est encore vrai.

Or, ce n’est pas d’abord de ces discriminations-là que parle ce numéro, même si elles constituent l’arrière-plan de toutes les analyses. Car on peut moins que jamais isoler le sort des femmes en Inde d’une situation socio-politique générale qui détermine ce qui leur arrive aujourd’hui. D’où le titre que nous avons choisi : « Intellectuels, philosophes, femmes en Inde : des espèces en danger ».

Tout est venu d’une rencontre avec Romila Thapar, la célèbre historienne de l’Inde ancienne, dont l’interview ouvre ce numéro. Nous avons alors ressenti la nécessité d’avoir un éditeur, ou plutôt une éditrice invitée, Divya Dwivedi. Et ce choix lui-même vaut description d’une partie de la situation. Elle est, son nom suffit à le faire savoir en Inde, de la caste des brahmanes — comme Romila Thapar, ou Gayatri Chakravorty Spivak appartiennent respectivement à la caste des Kshatriya et des Brahmanes, des castes supérieures. Elle est donc « intouchable », dans un tout autre sens que ne le sont les dalit, les « intouchables ». Intouchable dans un sens très relatif, car même dans les hautes castes l’intellectuelle ne vaut pas l’intellectuel. Elle a une formation de philosophe et de littéraire, l’anglais est sa langue maternelle autant que l’hindi, et elle s’est trouvée contrainte de réfléchir sur ce qu’est le postcolonial, à quoi il sert dans le sous-continent, de quoi il est le nom. Ne pas faire du post-colonial le premier et le dernier mot permet sans doute d’éclairer avec une autre précision ce qu’il en est des femmes, philosophes et intellectuelles, en Inde aujourd’hui.

 

Revue des femmes philosophes - Intellectuels, philosophes, femmes en Inde : des espèces en danger, décembre 2017, n°4-5. Coord. B. Cassin et al. UNESCO, 2018. ISSN : 2220-7724

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