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Dernière modification : 13 mars 2019

Elena VOGMAN

Freie Universität, Berlin (Allemagne)
Invitée de THALIM – novembre et décembre 2018

Elena VOGMAN – invitée novembre et décembre 2018

 

Courant novembre et décembre 2018, le labex TransferS et Ada Ackerman (THALIM) accueillent Elena VOGMAN, chercheuse à l’Institut de littérature comparée Peter Szondi de la Freie Universität, Berlin.

 

Métamorphose des valeurs :
Eisenstein et le Capital

Ce cycle de conférences se propose d’examiner les enjeux esthétiques, politiques et morphologiques du projet inachevé de Sergueï Eisenstein de réaliser un film à partir du Capital (1927–1928). Le cinéaste aspirait à se servir de La Critique de l’économie politique de Marx comme d’un « scénario » pour son projet de film. Le Capital aurait dû lui permettre de révolutionner le cinéma par l’emploi de méthodes inédites : « faits divers », « images dialectiques », « monologue intérieur », méthodes toutes inspirées par l’Ulysse de Joyce.

Ce cycle se donne pour objectif de présenter, de lire et d’analyser un ensemble conséquent d’archives inédites du projet d’Eisenstein, documents qui n’ont jusque-là jamais été pris en compte. Ce corpus se constitue de plus de cinq cent éléments pour la plupart inédits : coupures de presse, négatifs de film, dessins, citations d’œuvres philosophiques et littéraires, carnets de brouillon, journaux personnels. La théorie de la valeur de Marx ainsi que les concepts de matérialisme et de fétichisme de la marchandise y sont mobilisés, éprouvés et ébranlés dans un geste de relance par le biais d’une économie visuelle qui repose sur le principe dynamique du montage : pratique déterminante dans la poétique comme dans l’esthétique d’Eisenstein.

La métamorphose des valeurs déployée par Eisenstein sera analysée tant dans les élaborations théoriques du cinéaste que dans sa pratique du montage et notamment, la « valeur » en tant qu’effet dynamique d’une mise en relation entre plusieurs images. Elle trouvera chez Eisenstein un équivalent dans le processus du montage qui opère, lui aussi par agencements. On s’appuiera à cet égard sur plusieurs réflexions et notions théoriques susceptibles d’éclairer le geste esthétique d’Eisenstein : les théories formalistes russes (Maïakovski, Brik et Chklovski), le concept de « morphologie » (Goethe), le concept de « métamorphose » (Goethe, Marx), la notion de « valeur d’exposition » (Benjamin) et autres.

 

Le cycle présente une recherche qui sera publiée sous le titre Dance of Values. Sergei Eisenstein’s Capital Project (Diaphanes, 2019) et se tiendra en deux langues, en anglais et en français. 

 

Conférences

  • Mercredi 14 novembre 2018 – 16h30-18h30 – ENS, salle 235B
  • icône vidéo La crise et la valeur d’exposition
  • La première conférence sera consacrée à une présentation des matériaux liés au projet du Capital. La complexité de ce corpus d’archive implique de mettre au point une méthode de lecture et de déchiffrage qui tienne compte de l’extrême hétérogénéité des supports qui le constituent – textes et images montés et remontés – ainsi que de son caractère disparate, lacunaire et abrupt. Ces « lambeaux pour des mises en relations complexes » ou encore ces « pensées hérissées » (Eisenstein) forment comme une réponse à une crise de la représentation : une crise qui affecte le cinéma, la publicité et la médiatisation du politique en1927 et 1928. Impossible de comprendre la logique d’ensemble du projet du Capital sans examiner cette crise, qui se joue dans le visible et dont Eisenstein expose toute la violence au gré des pages du Capital. Cette crise, telle qu’Eisenstein la met en scène dans ses pages-montages, sera analysée en relation avec le projet Glass House et la notion d’« attraction intellectuelle » – soit deux projets d’Eisenstein contemporains du Capital, qui eux aussi déploient une crise de la « visibilité de l’homme politique ». La valeur de cette crise semble donc rejoindre celle de « la valeur d’exposition ». Ce concept, issu de l’essai sur « L’œuvre d’art » de Walter Benjamin et publié sept ans après le Capital d’Eisenstein nous aidera en effet à éclairer les enjeux esthétiques et politiques du projet d’Eisenstein.

 

  • Mercredi 21 novembre 2018 – 16h30-18h30 – ENS, salle 235B
  • Le « stream of consciousness » du Capital
  • La deuxième séance se concentrera sur l’association surprenante des deux principales sources d’Eisenstein pour le Capital : La Critique de l’Economie politique  de Marx et Ulysse de Joyce. Comment ces textes se rencontrent-ils ? Comment rendre et traduire l’histoire de l’exploitation capitaliste à l’aide du monologue intérieur, soit d’une perception subjective, nécessairement lacunaire et fragmentaire ? Tels étaient les enjeux du projet d’Eisenstein face à l’avènement des fascismes – promouvant les grands orateurs – coïncidant avec l’avènement du cinéma parlant. On analysera à cet égard le rôle qu’Eisenstein octroie au fragment, qu’il oppose à une parole totale, ainsi que la valeur qu’il accorde à la psychanalyse en revenant notamment sur les séances d’ hypnose auxquelles il se soumet pendant la première année où il réfléchit au Capital.

 

  • Mercredi 28 novembre 2018 – 16h30-18h30 – ENS, salle 235B
  • La valeur de Lénine
  • Le concept de valeur, central dans Le  Capital de Marx, est redéployé par Eisenstein dans le champ de la circulation des images : acteurs , symboles, médias du capitalisme. La manière dont cette question est posée, non seulement du point de vue théorique, mais également dans le processus même de leur circulation dans le système capitaliste – c’est-à-dire en tant qu’images montées et remontées dans les pages des cahiers du Capital –, fera l’objet de la troisième séance. La question de la valeur dans la sphère du visible s’appuie sur une réélaboration du symbole en tant que « signe » dynamique, en réévaluation permanente. Cette dynamique des signes permet d’appréhender d’un point de vue critique les images idéologiques, les idoles, dont en particulier le devenir-idole de Lénine, qui fait alors l’objet d’un culte croissant.

 

  • Mercredi 5 décembre 2018 – 16h30-18h30 – ENS, salle Paul Langevin
  • Métamorphose et valeur de singularité
  • Les enjeux morphologiques qu’implique la lecture de Marx par Eisenstein feront l’objet de la dernière conférence. On questionnera le concept, central pour le projet du Capital,  de « métamorphose » en lien avec son origine morphologique, à savoir avec La Métamorphose des plantes, publiée par Johann Wolfgang von Goethe en 1790, après son voyage en Italie. Inscrire le processus de la transformation de la « forme valeur » (Wertform) au sein d’un processus de la métamorphose implique ainsi une interprétation plus dynamique et ouverte de la dialectique hégélienne, dont Eisenstein fait grandement usage dans les pages du Capital.

 


  • Les conférences se tiendront en anglais et en français

    Entrée libre dans la limite des places disponibles

    ENS, bâtiment Jaurès
    (29 rue d’Ulm)
    Entrée du public : 24 rue Lhomond, 75005

    Mercredis 14, 21 et 28 novembre 2018 – 16h30-18h30
    salle 235B (2e étage, aile Ulm)

    Mercredi 5 décembre 2018 – 16h30-18h30
    salle Paul Langevin (1er étage, aile Ulm)


Elena Vogman mène actuellement une recherche post-doctorale dans le cadre du projet « Rythme et Projection » (Institut de Littérature Générale et Comparée, Freie Universität de Berlin).
Elle est l’auteur de Sinnliches Denken. Eisensteins exzentrische Methode (2018, Diaphanes), ouvrage tiré de sa thèse de doctorat. Elle prépare actuellement un ouvrage, à paraître en 2019, Dance of Values. Eisenstein’s Capital Project. Les travaux d’Elena Vogman s’articulent autour du cinéma soviétique, des pratiques du montage, des formes de la pensée visuelle ainsi que, plus généralement, autour des relations entre littérature, ethnologie, art et sciences. Avec Marie Rebecchi et Till Gathmann, elle a également assuré le commissariat de l’exposition Sergei Eisenstein : The Anthropology of Rhythm à la Nomas Fondation, à Rome (2017-2018), puis de l’exposition Eccentric Values after Eisenstein à l’Espace Diaphanes, à Berlin (2018).

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